Un biker atteint d’Alzheimer ne reconnait plus personne en Harley Davidson.

Si la vieillesse est un naufrage, signalait Charles De Gaulle avant de se la couler en douce, c’est aussi souvent une déroute, redirige Serge Bardot, un biker de 69 ans. Atteint de la maladie d’Alzheimer depuis plus de 3000 kilomètres, il en a perdu le sourire ainsi qu’une bonne partie de sa mémoire, partiellement voilée à mesure que la distance le séparant de la Road 66 au cimetière s’amoindrit. Originaire de St-Guidon, lieu prédestiné pour y finir ses jours, le motocycliste hagard du nord depuis qu’il déraille nous conte depuis sa selle ses précédents voyages d’incontinent à l’autre, parcours sinueux et pleins de rebondissements d’un aventurier régulièrement dans la merde.

– Bonjour Mr Bardot.

– Salut trouduc.

– Biker depuis de nombreuses années, vous êtes aujourd’hui devenu un symbole de la lutte contre Alzheimer. Vous souvenez-vous du moment où cela a démarré ?

– Depuis que j’ai ma moto crétin!

– Oops, oui…pardonnez ma question. Je vais faire plus simple… Depuis quand êtes-vous atteint d’Alzheimer?

– Ca fait un bail mon pote. D’aussi loin que je m’en souvienne. C’est dire. Ou pas.

– D’après une javanaise qui vous a bien connu vous étiez un ecce Homo avant de devenir une vieille canaille. Pouvez-vous confirmer ses dires?

– Effectivement, j’étais un légionnaire qui usait des armes et caetera avant de rencontrer cette Lady Héroine, divinité à la hauteur de Negusa Nagast. Elle me mit l’eau à la bouche au cours de 1969, l’année érotique. Ses initiales étaient B.B. Pour Brigitte Barjot, une véritable Lola rastaquouère à la couleur café.

– C’était au cours de la saison des pluies?

– Effectivement. Cette véritable poupée de cire à la Daisy Temple alla jusqu’à me faire réciter du Baudelaire après avoir abusé de Coco and Co lors d’un voyage vers New York Usa. Notre Cargo culte manqua même de se renverser comme le Torrey Canyon tant notre Love on the Beat fût agité. Même si Dieu était fumeur de Havanes, il n’aurait pas plané si haut. J’étais devenu un véritable intoxicated Man.

– Vous étiez comme des des Bonnie & Clyde de l’océan en somme?

– Non, la Baie de Somme, ça ne se trouve vraiment pas au même endroit.

– No Comment. Seriez-vous pointilleux comme un poinçonneur des Lilas?

– Toi quand tu t’y mets! Bref, un Gloomy Sunday, elle y alla d’un Sorry Angel après avoir prétexté un Lemon Incest totalement imagé. “Je t’aime moi non plus”, écrivit-elle sur un Comic Strip laissé dans ma Ford Mustang au lieu de me prévenir par Overseas Telegram. Ainsi débutèrent les amours perdues.

– Vous faites référence à Manon ou Laetitia (Elaeudanla Teïtéïa)?

– Je fais référence à mon Goodbye Emmanuelle prononcé dans un sex-shop alors que je m’apprétais à faire l’amour à Marilou sous la neige.

– Waow! Vous n’avez pas chômé!

– C’était ça ou une dépression au-dessus du jardin. Et je ne parle même pas de mon fameux Shu Ba Du Ba Loo Ba sussuré à l’oreille de ma douce lors de la valse de Melody, instant mémorable s’il en est. Nous dansions face au “Scenic Railway”, un bar proche de Chatterton où un jeune groupe, les “Goémons”, véritables enfants de la chance, chantaient “Requiem pour un twister”, une chanson qui ne pouvait que me remuer. D’ailleurs je me casse, toutes ces émotions mettent un frein à mes désirs de nouveau départ.

– Attendez, l’interview n’est pas terminée!

– Je suis venu te dire que je m’en vais, parce qu’à défaut d’un requiem pour un con, je préfère demeurer le cadavre exquis que je suis, à l’image du logo de ma célèbre moto.

– Mais…dernière question. Que voulez-vous qu’on retienne de vous une fois que vous serez définitivement parti?

– J’ai aimé. Et ça, je m’en souviens.


ATTENTION : un certain nombre de chansons de Serge Gainsbourg se sont glissées dans cette vraie-fausse interview. Serez-vous en mesure de les dénombrer ? Bon courage !